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4.

Les apports théoriques
 
1. La fonction de la peau.

Esther Bick a formulé des hypothèses sur le tout début de la vie psychique. Le monde sensoriel du bébé ne commence pas à la naissance, mais existe déjà dans la vie utérine. (Ces intuitions des psychanalystes ont été confirmées par les travaux de recherche de ces vingt dernières années). La naissance alors va être vécue, dans la terminologie de Bion, comme un changement catastrophique c’est-à-dire un bouleversement total et soudain de toutes les données antérieurement vécues, une rupture de la continuité d’exister. (Bion reprend la formulation freudienne de « césure de la naissance », indiquant ainsi que la coupure n’est pas totale)
Le bébé va vivre cette sensation de perte de contenant à laquelle participe la découverte de la pesanteur, comme une sensation de chute et d’éclatement, ou plus précisément d’écoulement par perte des limites contenantes : il s’agirait là des angoisses les plus primitives.

 

Le bébé va devoir impérativement trouver dans l’environnement un objet contenant optimal «  qui apaise ses angoisses de chute et lui permette de rétablir la continuité avec les éléments du vécu anténatal et qui lui permette l’intériorisation d’une peau qui maintiendrait liées ensemble les différentes parties de sa personnalité. ».

Cet objet contenant optimal sera, nous dit Esther Bick, « le mamelon dans la bouche tout ensemble avec la tenue, le parler et l’odeur familière de la mère… ».

La fonction contenante a été décrite par Esther Bick comme une fonction de la peau dans son article de 1967. Quelques années plus tard dans un article sur un thème très proche Didier Anzieu ( 1974) va donner un grand développement à ce concept original sous le terme de « moi-peau ».

 

2. Les agrippements.

 

Faute de trouver un objet contenant optimal dans la relation avec la mère, le bébé va rechercher frénétiquement « un objet, une lumière, une voix, une odeur ou tout autre objet sensoriel, qui puisse tenir l’attention, et, par-là être vécu momentanément au moins comme tenant ces parties de la personnalité ensemble » (Bick, 1967).

Elle va décrire comme des agrippements la première organisation défensive mise en place pour lutter contre les angoisses primitives. « C’est combattre pour survivre, et le seul moyen pour survivre à ce premier niveau est de coller, d’adhérer, c’est par là que vous acquerrez une identité ». C’est une « identité adhésive » parce qu’il n’y a pas de second objet, il y a seulement quelque chose à quoi vous vous agrippez, à quoi vous collez…et quand vous ne pouvez pas, vous tombez en morceaux….Un tel bébé doit trouver où coller, il est très dépendant de sa tenue à des choses ». (Haag, 2002).

 

L’observation attentive de toutes les modalités d’agrippement va permettre une compréhension des phénomènes défensifs les plus archaïques.

  • Fondant une clinique psychanalytique des troubles fonctionnels du nourrisson (troubles du sommeil, du tonus, problèmes de peau, vomissements…etc.)

  • Permettant d’énormes avancées sur la construction du moi-corps, (tout juste évoquée par Freud) en particulier le repérage des identifications intra-corporelles (décrites par Geneviève Haag ; 1985), inaugurées par E. Bick lorsqu’elle écrit : «  » (Bick, 1964)

  • un angle de vue déterminant pour comprendre les pathologies de la constitution même du psychisme, en particulier l’autisme, ainsi qu’une compréhension des noyaux autistiques enclavés dans un fonctionnement psychique névrotique et les aspects de la personnalité qui ont gardé un fonctionnement primitif que Rosella Sandri (2001) appelle des « embryons psychiques congelés ».

 

3. La fonction contenante.

 

J’ai dit plus haut que l’attitude de base est un très grand respect de l’autre : la première précaution est donc de ne pas nuire à la famille ou au bébé. Au fur et à mesure de l’enrichissement des expériences, on s’est aperçu que cela a, bien au contraire, un aspect bénéfique sur les familles. (Watillon Annette. 1994)
L’attitude de non-interférence permet à l’observateur de jouer un rôle de miroir de la pensée de la mère. En n’interférant pas, il soutient la réflexion de la mère et ne lui substitue pas la sienne. Paradoxalement, c’est le fait de ne pas interférer qui constitue un soutien et un contenant pour le développement de la parentalité et c’est paradoxalement en apprenant à s’abstenir que l’observateur permet la mise en place d’un cadre véritablement contenant.

Didier Houzel (2002) a proposé le concept « d’attention inconsciente, sorte de réceptivité passive qui laisse les messages latents de l’analysant se rassembler et s’organiser peu à peu au sein du psychisme de l’analyste », dans un prolongement bionien de la notion d’attention.

C’est bien de cette sorte d’attention que fait preuve l’observateur. Il peut ainsi voir et recevoir, sans agir ni ré-agir, les aspects les plus inconscients à l’œuvre chez le bébé et dans la famille.

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