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5.

Les applications,
les inspirations.
LES APPLICATIONS.

 

Le champ des applications est en plein développement et nécessite un travail de clarification à la fois des domaines et des niveaux d’application. En effet, l’approche de la pensée d’Esther Bick ainsi que l’expérience personnelle de l’observation de bébé constituent souvent des découvertes bouleversantes sur le plan personnel. Les retours sont extrêmement nombreux et féconds sur la sphère professionnelle de chacun. Peut-on pour autant considérer que ce retour constitue dès lors une application de l’observation selon Bick ? Surement pas.

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Il y aurait même, sur un double plan clinique et éthique, des conséquences graves à le prétendre.

  • Sur un plan éthique : il faut être sûr que les principes de base et les axes essentiels sont les mêmes afin de ne pas détourner de son sens une méthode ou utiliser une théorisation comme caution d’une autre théorie ou d’une autre pratique.

  • Sur un plan théorico-clinique : il est essentiel de savoir dans quelle logique on se situe, et quelle est la cohérence interne du modèle auquel on se réfère. 
    Inversement, toute façon d’observer ne se situe pas dans le cadre de la méthode d’Esther Bick.

Un travail de clarification et de classification est indispensable pour confronter les diverses expériences, faire des liens, des comparaisons, des associations. Aucune avancée sur le plan de la pensée ne pourrait résulter d’une « babélisation » de champs différents qui se trouveraient confondus, y compris dans les rencontres et confrontations internationales.

 

Je proposerai d’établir une distinction entre les pratiques qui peuvent être considérées comme applications de celles qui semblent s’inspirer de ce modèle et en constituent des extensions.

Applications : « mettre une chose sur une autre de manière qu’elle la recouvre et y adhère » (Petit Robert)

Dans les domaines qui nous occupent, l’application et le « recouvrement » ne peuvent être que partiels. Je propose de considérer comme application les expériences qui retiennent l’essentiel des critères fondamentaux de la méthode.

Ces critères doivent à mon sens se croiser avec la formation de base des praticiens eux-mêmes ; en effet,  il ne semble possible de penser application qu’à partir du moment où on est soi-même formé à la méthode. Ces renseignements sont rarement fournis par les auteurs, ce qui rend difficile de faire pour le moment un travail solide de classification à partir des sources bibliographiques.

Mon intention serait donc plutôt d’ouvrir une voie pour l’avenir.

 

1. Les observations participantes à domicile dans un but thérapeutique

Le modèle de l’observation de bébé est adapté comme un aspect du dispositif global de soin dans la prise en charge d’enfants autistes, ou à risques autistiques, de situations de maltraitance, de familles à problèmes multiples, d’enfants de parents malades mentaux, …

Le but est ici thérapeutique ; l’observation va être participante et l’observateur aura « une attitude psychique un peu plus active, une tendance plus soutenue…à verbaliser certains affects » (Didier Houzel ; 1995). Les séances ont lieu au domicile, avec un thérapeute formé à l’observation ; les comptes-rendus font l’objet d’un travail en groupe de supervision.

Les travaux de Didier Houzel, à Brest puis à Caen, de Pierre Delion à Angers et plus récemment à Lille, de Françoise Jardin à l’Unité de soins à domicile de la Fondation Rothschild … se situent dans cette perspective. 

 

2. L’observation en médecine néo-natale.

L’observation d’un bébé en service de médecine néo-natale, généralement faite par une infirmière, fera l’objet d’un compte-rendu qui sera discuté dans un petit groupe de travail. On retrouve donc en général la même méthodologie.

Le but est thérapeutique : il s’agit de mieux comprendre les besoins du bébé et sa souffrance pour y porter remède. C’est également un soutien de la fonction observante des équipes, qui apprennent ainsi à mieux reconnaître les modes d’expression de ces bébés.  ( Y. Quiniou 1992 ; C. Druon 1996).

 

3. Les groupes thérapeutiques.

Le modèle proposé (Jacqueline Tricaud ; 1995) permet une prise en charge conjointe de jeunes enfants sans langage avec leurs parents. L’état d’esprit de base est proche de celui de l’observation Esther Bick mais les différences de cadre sont importantes : les enfants et les parents sont accueillis dans des groupes séparés dans un premier temps, se retrouvant dans un deuxième ; le but est clairement thérapeutique ; le mode d’intervention non-interférent ; les 3 temps de la méthode se retrouvent avec des aménagements.

Ce type de travail a été repris et développé dans la perspective du traitement de la violence des jeunes enfants (Marie-Blanche Lacroix, Maguy Monmayrant ;1999)

4. L’observation en crèche

Les observations en collectivité d’enfant, en crèche, pouponnière, hôpital peuvent être considérées comme des applications partielles de la méthodologie dont buts et cadre sont autres.

  • En crèche la séance d’observation va avoir lieu dans un groupe et non dans la famille. Considérer ce type de situations comme des applications suppose d’examiner chaque critère, car l’utilisation d’un outil d’observation est fréquente en crèche ou jardin d’enfant (en particulier cela fait partie de l’approche initiée par M. Montessori) sans pour autant se référer à l’approche Esther Bick.

  • Françoise Jardin utilise l’observation dans un but de formation de jeunes professionnels, différant peu de la méthode classique sauf sur la question du lieu (5).

  • D’autres observations en crèche auront un but de prévention, de dépistage, de recherche, ou thérapeutique  ; leur niveau d’application ou d’inspiration sera variablement estimé par rapport au modèle d’Esther Bick en fonction des points divergents.

  • L’expérience de l’unité de soins à domicile de la Fondation de Rotschild intègre à la prise en charge thérapeutique un cadre d’observation de l’enfant dans ses lieux de vie, associée à la rédaction d’un compte-rendu et d’une supervision. (F. Jardin 1994)

5) Application à la recherche

Une récente application originale de la méthodologie fait l’objet d’une thèse et peut être signalée ici : l’observation des pratiques enseignantes dans un but de recherche. Il ne s’agit plus de bébé, c’est l’ensemble de la classe qui fait l’objet d’une observation, l’observateur est non-interférent, ses comptes-rendus sont supervisés. (Philippe Chaussecourte ; 2000 ; 2003) 

 

INSPIRATION

Lorsqu’il s’agit d’appliquer l’état d’esprit sous-jacent à l’observation à des champs très divers, il semble plus légitime de parler d’inspiration. L’expérience de plusieurs années de l’observation de bébé a permis de considérer l’observation et l’attention comme outils thérapeutiques à part entière. Ils peuvent être utilisés de façon très fructueuse dans des cadres divers, en particulier en représentant un aspect de fonction de la peau dans la terminologie d’Esther Bick, parallèle au holding de Winnicott.

 

1. Les groupes d’accueil
  • La réalité de ces groupes peut être très variée : maisons vertes, de toutes les couleurs, lieux d’écoute…Beaucoup des animateurs ou accueillants s’inspirent de l’observation de bébé, certains y sont formés, ou sensibilisés. Nous sommes souvent invités, en tant que formateurs, à intervenir dans des journées de réflexion sur ces thèmes.
    Il s’agit d’accueillir tout ce qui vient du groupe dans une attitude de réceptivité correspondant à ce que recommandait Esther Bick … Dans ces situations, les enfants et leurs parents eux-mêmes peuvent ne pas être les mêmes à chaque séance, mais sont accueillis dans cette attitude.

  • travail en salle d’attente de PMI (Lafforgue P. ; 1994) s’apparente à ce type d’approche, avec une perspective de dépistage et orientation précoce. La non-interférence est partielle, les 3 temps de la méthodologie sont respectés.
     

2. Les thérapies parents-bébé

Il s’agit aussi de l’état d’esprit sous-jacent à la méthode, croisé cette fois avec une approche analytique interprétative. J’ai proposé un modèle spécifique de ce croisement (Prat R. 1998) en analysant le type des interventions thérapeutiques et le modèle auquel elles peuvent être référées. La non-interférence est variable, les 3 temps de la méthodologie rarement présents.

Les prises en charge thérapeutiques institutionnelles ou dans un dispositif de consultation de bébés et leurs parents se rapprochent souvent de ce type de travail.  

 

3. Les élargissements

Dans le champ de la clinique des adolescents, « l’apport du travail avec le bébé est essentiel pour s’adosser à l’expérience de l’observation directe » (Petit D. 2002). 
Ainsi, l’augmentation de notre compréhension du langage préverbal, l’augmentation ainsi que la modification qualitative de nos capacités d’attention entraînent des retombées parfois lointaines hors du champ de l’observation, par exemple dans la clinique analytique avec des patients adultes.

Le lien avec l’observation de bébé concerne dans ces expériences le lien interne du praticien avec son expérience personnelle de la formation et illustre « en quoi l’impact de cette formation joue dans l’attention que nous portons à ce travail. ».

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